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Vielosophi & Cie

Tentative de réflexions pour vivre en conscience. Pensées, récits et autres écrits inspirés des curiosités de ma vie... Parce qu'on n'a qu'une vie... Enfin, s'il y en a d'autres, on subit un bon formatage entre chaque, alors, dans le doute, autant faire au mieux dans celle-ci...!

les mains dans la terre... réflexions agricoles

Je me souviens, une fois, au marché, je faisais la queue pour acheter mes légumes à un producteur du coin. Des super bons légumes, de saison et tout, servis par des mains dans lesquelles la terre est incrustée en de charmants microsillons... Et là une dame passe, regarde, et d'un air dédaigneux lâche un « et ben c'est pas donné! » Je n'ai pas pu m'empêcher de lui répondre que ça ne poussait pas tout seul...

Non, ça ne pousse pas tout seul, ça ne se ramasse pas tout seul, ça ne se trie pas tout seul, ça ne se charge pas tout seul dans la camionnette à cinq heures du matin, ça ne se range pas tout seul sur l'étal du marché, et ça ne se remet pas tout seul dans la camionnette à quatorze heure...

Un autre souvenir, plus lointain, au collège, début des années 90, classe de 4e il me semble.

Histoire – Géo .

Où l'on apprend fièrement dans les manuels que nous sommes un pays développé car nous concentrons davantage d'emplois dans le secteur tertiaire, qu'on appellera aussi « les services », que dans les autres secteurs, et que le développement d'un pays se mesure à la baisse de la proportion de ceux qui travaillent dans les secteurs industriel ou agricole...

A l'époque je me souviens, ça m'avait fait tiqué. Je ne sais plus si j'avais posé la question à mon prof... Mais comment les gens qui travaillent dans le tertiaire allaient faire pour se nourrir ? Sur quoi, concrètement, repose une société qui dématérialise complètement son activité... ?

Je n'avais pas eu de réponse mais cette question m'a toujours interpellée dans mes choix de vie par la suite.

Je ne me considère pas comme ouvrière agricole exclusivement, j'ai exercé plusieurs métiers depuis mes 17 ans (même un peu avant, la cueillette, au black...) dans les secteurs agricoles, viticoles, dans l'animation, dans l'enseignement, et maintenant presque exclusivement dans le secteur équestre... Bref, plusieurs cordes à mon arc.

Mais je voulais revenir sur l'agriculture, la paysannerie, le maraîchage, l'essentiel.

Pourquoi cet exemple du collège ? Parce qu'à cette époque déjà, on élevait les petits humains dans l'idée que les meilleurs d'entre eux auraient un emploi de « service », de « bureau », de « cerveau » et que la production agricole serait déléguée aux machines, aux exploitants conseillés par des ingénieurs agronomes, et aussi, bien loin de nous, aux habitants des pays qui n'avaient pas atteint notre niveau de développement. Ah ah.

Un élevage d'humains « hors sol » quoi, c'était dans l'air du temps...

J'ai grandi à la campagne et la nature m'a toujours paru être la base de tout, à commencer par mes propres pensées...

Le travail de cueilleur est particulier. C'est un travail répétitif, mais pas mécanique, car il faut choisir en une fraction de seconde le fruit que l'ont ramasse selon sa maturité. Il faut trouver les gestes les plus efficaces et rapides possibles alors qu'on change d'arbre ou de pied de vigne constamment, constamment on entame une nouvelle discussion avec une plante unique et différente de celle qui la précédait, différente de celle qui suivra. Il faut tenir le rythme, accepter le vent, le soleil, la pluie... Je me suis souvent demandé si les consommateurs de ces fruits cueillis, du vin ou du champagne qui sera produit avaient conscience de tous ces petits labeurs individuels, ceux du producteur et ceux des saisonniers... Mais bon, comme chaque fruit cueilli, une pensée en chasse une autre... Quoi que... J'ai remarqué aussi que contrairement à ce que l'ont voulait bien nous faire croire à l'école, ces petits travaux physiques et répétitifs me mettait souvent en état de méditation... Ou alors me permettait de réfléchir à des trucs assez profonds finalement, et d'avoir des discussions très éclairantes avec les collègues... Et de rire, et de chanter... En fait travailler « aux champs » c'est bien plus qu'il n'y paraît...

Si on veut manger bio, local, éthique et tout, et si on veut que les producteurs et les salariés aient des conditions de vie décente, bref, si on veut bien manger, (et accessoirement faire baisser le bilan carbone de notre alimentation à base de fruits et légumes cueillis avant maturité afin qu'ils puissent faire le tour du monde par avion ou par cargo sans s'abîmer), va falloir revoir les priorités dans nos dépenses, et quand même, que beaucoup d'entre nous aient envie d'aller mettre les mains dans la terre, même de manière intermittente...

En fait c'est peut-être toute la question de la « conscience professionnelle », au sens large, qui se pose : comment et pourquoi allons-nous donner, vendre notre temps et notre force de travail, il s'agit de choix fondamentaux, dont nous devons être partie prenante.

Ça me rappelle cette phrase, lue il y a quelques temps : « Tout le monde veut le changement, mais qui est prêt à changer? »

Je ne voudrais pas laisser penser que mon dernier post (celui qui a fait : « buzz ») critiquait l'idée qu'on pouvait être à la fois prof et cueilleur, paysan et ingénieur, conseiller et pépiniériste, postier et vendangeur, etc etc

Loin de moi l'idée de dire ce qu'il faudrait faire, chacun est à même de briser ses chaînes, ses préjugés, de penser par lui-même et de comprendre ce qui est bon pour lui-même, pour les autres, et aussi pour la planète. Pour ma part j'ai vite compris que j'aurai besoin des deux, dans ma vie, des métiers qui engagent le corps et des métiers qui engagent l'esprit... Et pouvoir faire des bonds de l'un à l'autre facilement reste une nécessité. Et autant que je me souvienne, ça a toujours été un choix, pas une « flexibilité» imposée par les lois du marché...

 

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